Qu’est-ce que la transvestigation ? (14)

Et si Brigitte Macron était… un homme ? Derrière cette rumeur absurde se cache une stratégie bien rodée : faire passer la transphobie pour une enquête. Décryptage d’une désinfo virale.

Analyser la propagande transphobe

La « transinvestigation »

De quoi parle-t-on ?

Devenu une catégorie en part entière des théories du complot, les « transvestigations »
sont des « enquêtes » qui utilisent les ressorts complotistes pour tenir l’hypothèse que tel ou tel personne est une personne trans. Souvent dirigées vers les femmes, notamment de pouvoir, ces prétendues enquêtes tiennent un discours aux finalités transphobes. C’est pourquoi, l’enjeu de ces enquêtes, n’est pas tant d’en soulever les mécanismes complotistes (ce qui serait pertinent comme démarche), mais surtout de mettre en avant les mécanismes transphobes à l’œuvre.

Vignette de la vidéo complotiste et transphobe sur la présumée transidentité de Brigitte Macron
Vignette de la vidéo complotiste et transphobe sur Brigitte Macron

Posture éducative

Comprendre l’intention politique d’une fake news

Cette fiche propose une lecture critique d’une fake news persistante : Brigitte Macron serait un homme. Au lieu de mettre en
avant une démonstration factuelle de ce qui est vrai ou faux – démarche déjà largement couverte – cette séquence invite à interroger la logique sous-jacente à cette théorie du complot : Pourquoi cette rumeur existe-t-elle ? À quoi sert-elle ? Que dit-elle de notre société ?

Dans cette perspective, il devient pertinent de déplacer le regard : il ne s’agit pas de corriger des erreurs factuelles, mais de comprendre l’utilité sociale et politique d’une telle rumeur. Ici, la théorie du complot véhicule des stéréotypes transphobes, en alimentant l’idée qu’être une personne trans serait une imposture à dévoiler. Travailler ce contenu avec les élèves, c’est donc aussi interroger les préjugés de genre et les usages politiques de la désinformation dans les imaginaires complotistes.

Drapeau transgenre

Déroulement

Activité pédagogique

La vidéo transphobe prise ici en illustration ci-dessus reprend une rhétorique typique des contenus conspirationnistes :

  • Elle présente des « preuves » visuelles floues (comparaisons de photos, allusions à des certificats de naissance inexistants, etc.).
  • Elle installe un climat de suspicion (« on nous cache quelque chose ») sans jamais citer de sources fiables.
  • Elle joue sur une esthétique bricolée mais perçue comme « authentique » (voix off grave, images d’archives, ralentis).

L’objectif n’est pas d’informer mais de semer le doute. Cette vidéo fonctionne comme un prétexte pour attaquer une personnalité publique à travers une grille de lecture transphobe : elle suggère que le fait d’être (ou d’avoir été) un homme serait un scandale ou une imposture. L’intention est de stigmatiser les personnes transgenre à travers une figure médiatique. Quelles vont être les réactions face à cette vidéo ? Quel système de valeurs est-ce qu’elle sert ?

a. Travail de groupe : « À quoi sert cette fake news ? »

Diffuser aux élèves une partie de la vidéo et distribuer les commentaires issus de l’espace Youtube sous la vidéo. En petits groupes, ils analysent :

  • les émotions suscitées (rire, colère, doute) ;
  • les personnes et communauté cibles implicites (Brigitte Macron, les personnes trans, les élites) ;
  • Le public visé (qui est censé croire à cette rumeur ?) : quel type de croyances et auprès de quoi ce type de récit fonctionne ?

Commentaires 1 :

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b. Mise en contexte historique : « Les théories du complot sur les femmes de pouvoir »

L’enseignant·e peut proposer une mise en perspective historique sur le fait que d’autres femmes de pouvoir ou d’influence font l’objet de ces mêmes rumeurs de transidentité. L’objectif est de montrer que ces rumeurs n’ont rien de spécifiques à Brigitte Macron. Il s’agit bien de faire récit de la transidentité de personnes célèbres pour semer le doute , dénigrer le pouvoir en place et faire de la transphobie. En alimentant l’idée « qu’on nous ment », ces investigations transphobes servent à montrer l’influence ou la perversité des dirigeants. L’enseignant·e peut donc comparer cette rumeur avec d’autres rumeurs de personnes trans (Michelle Obama, Taylor Swift, etc.). Qu’ont-elles en commun ? Pourquoi ce type de récit revient-il souvent ?

Enfin, l’enseignant·e peut faire débattre les élèves autour de cette question pour leur faire percevoir que même une information fausse peut avoir une fonction idéologique.

a. Déconstruire le récit transphobe

Proposer aux élèves une grille d’analyse des stéréotypes transphobes véhiculés par la vidéo. Exemple : « Ce serait un problème si Brigitte Macron était un homme et pourquoi ? Qu’est-ce que cela suppose sur les normes de genre en politique ? ».

b. Relier à l’actualité

Mettre en lien cette fake news avec les débats actuels sur les droits des personnes trans. Comment ces débats sont-ils instrumentalisés dans les sphères politiques et par les milieux identitaires ? Qui a intérêt à renforcer la défiance à travers ce type de rumeurs ?

c. Travailler les ressorts émotionnels

Faire émerger les émotions que suscite la vidéo, pour montrer comment elles orientent le jugement (rire, malaise, rejet). Interroger : qui est tourné en ridicule ? Pourquoi est-ce perçu comme drôle par certains ?

d. Travailler les enjeux politiques de la transphobie

Cette fake news ne vise pas seulement une personne, elle participe à un discours politique plus large. En suggérant que le genre de Brigitte Macron serait un secret honteux, elle nourrit un climat de rejet des personnes trans. Plus largement, elle attaque les figures de pouvoir associées à l’ordre républicain en les assimilant à une « décadence morale ». Travailler avec les élèves sur cette double fonction — stigmatisation des minorités et rejet du pouvoir — permet de montrer que la désinformation peut aussi être une arme idéologique pour délégitimer à la fois les institutions et les identités marginalisées.

Actuellement, les théories du complot ciblant les personnes transsexuelles gagnent du terrain. Elles s’inscrivent dans une dynamique plus large où la transphobie sert d’outil pour canaliser la défiance envers les élites. En prétendant que les transitions seraient imposées par un pouvoir occulte ou une élite décadente, ces récits détournent les angoisses sociales vers les minorités. Ce narratif séduit parce qu’il donne l’illusion de « voir clair » dans un monde complexe. En accusant les institutions de promouvoir la « confusion des genres », il participe à un fantasme de démystification du pouvoir, tout en véhiculant un imaginaire profondément répressif, où l’émasculation symbolique des figures d’autorité reflète une peur panique du changement.

Médiathèque

Supports pour l’activité

source

Vidéo

La vidéo s’intitule « 🔥La vérité Éclate: En fin C’est Confirmé Brigitte Macron est en réalité un homme !?? ».
Elle a été diffusée sur la chaine ABC INFO le 20 février 2025. Nous l’avons archivée sur notre compte Vimeo où vous pouvez la télécharger.

Capture d'écran de la chaine Youtube dans laquelle la vidéo se trouve.

Documentation

Podcast sur la transvestigation comme phénomène masculiniste

Documentation

Article de FranceInfo sur la transvestigation

Documentation

Vidéo de Cass Andre, Homophobie, Transphobie et complotisme

Documentation et outils pédagogiques

Genre et Médias, Dossier pédagogique, #diversitY.X, #crIAtivitY.X