Un genre médiatique
La presse people sur les réseaux sociaux
La presse people existe depuis longtemps, avec ses récits de mariages, de ruptures ou de naissances de célébrités. Aujourd’hui, ces histoires trouvent une nouvelle résonance sur les réseaux sociaux, où chacun peut produire et relayer du contenu, et où les personnalités du web — influenceurs, youtubeurs, créateurs — deviennent les nouvelles figures de la culture médiatique.


Cette vidéo est l’objet médiatique analysé dans cette fiche d’activité :
Le couple Michou et Elsa
Une rupture privée qui devient affaire publique
En février 2024, une vidéo TikTok à sensation annonce la rupture du couple Michou/Elsa, en y mêlant des rumeurs non vérifiées sur une possible nouvelle relation. Michou est l’un des youtubeurs les plus suivis en France, très populaire auprès d’un jeune public, tandis qu’Elsa Bois s’est fait connaître comme danseuse professionnelle dans Danse avec les stars. Leur couple s’est formé à l’écran, sous les yeux du public, et leur histoire a ensuite été très suivie sur YouTube et les réseaux sociaux. C’est aussi cette visibilité qui explique que leur rupture devienne rapidement un sujet largement commenté, jusqu’à être relayé par des médias généralistes comme La Libre Belgique.
Pourquoi ce type de récit sentimental prend-il autant d’ampleur ? Qu’est-ce qui le rend visible — et parfois rentable — médiatiquement ? Pourquoi des médias journalistiques réputés « sérieux » décident-ils eux aussi d’en parler ?

Déroulement
Activité pédagogique
Cette fiche propose aux élèves de questionner la place de ces récits dans l’espace médiatique : comprendre les logiques émotionnelles et économiques qui leur donnent de la visibilité, réfléchir aux frontières entre vie privée et information, et débattre des responsabilités du public face à ce type de contenus.
Les élèves réagissent à plusieurs exemples :
- La victoire de l’équipe de France à la Coupe du monde
- La fermeture d’une usine locale
- Le décès du roi du Danemark
- La signature d’un accord de paix entre deux pays en guerre
- La rupture amoureuse entre deux influenceurs
On leur demande :
“Est-ce que c’est une information ? Pourquoi ?”
Ensuite, visionnage de la vidéo C’est quoi une info ? (Clés des Médias).
Après la projection, discussion collective sur les critères d’une information :
- Nouveauté / Vérifiabilité / Intérêt pour un grand nombre / Conséquences
Une synthèse est réalisée au tableau. On peut remobiliser les exemples utilisés pour lancer la discussion.
Les élèves visionnent une vidéo TikTok annonçant la séparation Michou/Elsa.
Ils et elles analysent :
- Qui parle ?
- Que dit la vidéo ? Sur quoi repose-t-elle (faits, rumeurs, indices, suppositions) ?
- Est-ce que c’est une info (sur base des critères vus juste avant) ?
Ensuite, un article de La Libre Belgique sur le même sujet est projeté et lu collectivement : à consulter ici.
En groupe ou collectivement, les élèves comparent avec la vidéo TikTok :
- Même temporalité ?
- Même ton, même niveau de certitude ?
- Les sources sont-elles précisées ?
Discussion guidée :
- Le fait que l’histoire soit reprise dans La Libre Belgique en fait-il une “vraie info” ?
- Cela répond-il aux critères d’une information vus dans la vidéo ?
- Est-ce qu’un contenu davantage vérifié devient automatiquement pertinent d’un point de vue d’intérêt public ?
Cette réflexion mène à la transition suivante :
- Pourquoi une histoire privée devient-elle un sujet public et médiatisé ?
Visionnage de la vidéo La hiérarchie de l’info (Clés des Médias).
Une synthèse est faite au tableau à partir des critères de hiérarchisation : importance, rareté, popularité, émotion, potentiel de clics…
Invitez les élèves à transférer les critères de hiérarchisation analysés dans la vidéo aux deux exemples précédents (vidéo TikTok + article La Libre).
- Qui s’exprime dans chaque cas ? Est-ce un journaliste ? Un influenceur ?
- Est-ce qu’ils ont les mêmes objectifs ? Les mêmes responsabilités ?
- Est-ce que parler d’une rupture entre influenceurs, même de manière vérifiée, relève de l’intérêt public ?
- À votre avis, pourquoi La Libre Belgique, un média réputé sérieux, choisit-elle de parler de cette rupture ?
- Est-ce pour informer ? Pour susciter des clics ? Pour rester visible sur les réseaux sociaux ?
Sur Internet, les contenus sont en concurrence pour capter notre attention. L’audience devient une monnaie : plus une vidéo ou un article est vu, partagé ou commenté, plus il sera valorisé par les algorithmes et pourra générer des revenus via la publicité. Même les médias dits « sérieux » peuvent être tentés de traiter ce qui buzze pour rester visibles. On parle d’économie de l’attention. Cette logique brouille parfois la frontière entre information et divertissement : des contenus légers ou émotionnels sont mis en avant, car ils génèrent plus de clics. Or, journalistes et influenceurs ne suivent pas les mêmes règles : les premiers sont soumis à une déontologie ; les seconds cherchent surtout à capter l’attention. Ces deux univers s’entremêlent de plus en plus, et certains médias adaptent leurs choix éditoriaux à ces nouvelles dynamiques (réseaux sociaux, référencement, réaction du public).
En discussion collective, proposez aux élèves de revenir sur la médiatisation de la rupture Michou/Elsa :
- Qui parmi vous en avait entendu parler ?
- Qui s’y est intéressé ? Pourquoi ?
- Qu’est-ce qui nous attire dans ce genre d’histoire ?
- Qu’est-ce qu’on ressent : tristesse, curiosité, agacement, empathie… ?
Notez au tableau les réponses et faites émerger des grandes catégories d’attrait :
- Les émotions générées : tristesse, colère, surprise, compassion, joie mal placée… Ces récits jouent sur nos émotions, ce qui favorise le partage et l’engagement en ligne.
- Les ressorts sociaux : curiosité, voyeurisme, impression d’être dans un “groupe”, influence des pairs, effet de mode… On suit parce que tout le monde en parle.
- L’identification et les logiques parasociales : attachement aux personnalités suivies, impression de “proximité” ou de “lien” personnel avec elles, comme si on les connaissait.
Sur Internet, les contenus sont en concurrence pour capter notre attention. L’audience devient une monnaie : plus une vidéo ou un article est vu, partagé ou commenté, plus il sera valorisé par les algorithmes et pourra générer des revenus via la publicité. Même les médias dits « sérieux » peuvent être tentés de traiter ce qui buzze pour rester visibles. On parle d’économie de l’attention. Cette logique brouille parfois la frontière entre information et divertissement : des contenus légers ou émotionnels sont mis en avant, car ils génèrent plus de clics. Or, journalistes et influenceurs ne suivent pas les mêmes règles : les premiers sont soumis à une déontologie ; les seconds cherchent surtout à capter l’attention. Ces deux univers s’entremêlent de plus en plus, et certains médias adaptent leurs choix éditoriaux à ces nouvelles dynamiques (réseaux sociaux, référencement, réaction du public).
Proposez aux élèves de se positionner dans la classe selon leur accord ou désaccord avec les affirmations suivantes. Pour chaque phrase, les élèves argumentent leur position. L’enseignant·e peut compléter avec des questions de relance ou avec des éclairages.
Affirmation 1 : « Quand on devient une star, on doit accepter de renoncer à sa vie privée »
Exemple à projeter et relances :
Une de Voici montrant Elsa Bois et Florent Manaudou en couple et autre Une de Voici montrant Kate Middleton enceinte.
➤ Ont-ils choisi d’en parler ? Est-ce qu’on respecte leur vie privée en publiant cette image ?
Certaines personnalités choisissent de montrer leur quotidien sur les réseaux sociaux : c’est une stratégie d’image, parfois même un élément de leur notoriété. Mais cela ne signifie pas qu’elles acceptent tout. Le consentement n’est pas global ni permanent : elles peuvent vouloir garder certains aspects pour elles. Introduire ici la notion de droit à la vie privée.
Affirmation 2 : « Quand on montre sa vie sur Internet, on ne peut pas se plaindre si les gens donnent leur avis. »
Exemple à projeter et relances :
Capture d’écran de la vidéo « ON RÉPOND À VOS QUESTIONS SUR NOTRE COUPLE AVEC ELSA ! 😍 (vous avez abusé sur les questions mdrrr) »

➤ Pourquoi a-t-on envie de donner notre avis sur leur couple… alors que cela relève de leur vie privée ? Est-ce que, parce qu’ils ont choisi de montrer une partie de leur intimité, on a plus de “droit” à donner notre avis que pour des personnes qui préfèrent rester discrètes ?
Cette phrase permet d’aborder les logiques parasociales : à force de partager des moments personnels, les influenceur·euses donnent l’impression au public qu’il·elles sont proches d’eux. Cela peut créer un sentiment de familiarité qui pousse certaines personnes à penser qu’elles ont un droit de regard sur leur vie privée. Mais montrer une partie de sa vie ne veut pas dire tout accepter. Certains commentaires peuvent devenir intrusifs, voire blessants ou violents. Donner son avis n’est pas toujours anodin : jugements, sexisme ou harcèlement sont des effets concrets de cette exposition.
Affirmation 3 : « Tant que ça nous intéresse, les médias ont raison d’en parler. »
Relances :
➤ Est-ce que tout ce qui nous intéresse mérite d’être relayé par les médias ? Pourquoi ? Est-ce qu’on peut regretter qu’un sujet soit surmédiatisé… tout en y contribuant parce qu’on s’y est intéressé (clic, commentaire, partage, etc.) ?
Cette phrase interroge directement la responsabilité du public : plus un contenu suscite de réactions, plus il est rentable. Cela pousse certains médias à privilégier des sujets qui font parler – non pas parce qu’ils sont importants, mais parce qu’ils génèrent du buzz. On glisse alors vers des logiques qui peuvent nuire à la qualité de l’information ou au respect des personnes.
Cette discussion peut faire émerger une question plus large : quelles informations choisit-on de consommer collectivement, en tant que société ? Ce que nous lisons, partageons, commentons influence les contenus qui circulent. C’est une responsabilité démocratique.
Invitez les élèves à réfléchir à leur propre rôle dans ce système :
- Quels contenus je choisis de commenter, liker, partager ?
- Est-ce que je contribue à faire circuler des récits qui ne respectent pas les personnes ?
Médiathèque
Supports pour l’activité
source analysée 1
La vidéo Tiktok sur la rumeur de rupture
Le premier support est une vidéo TikTok publiée sur le compte @keonii_ en juillet 2023. Elle relaie des rumeurs sur la rupture entre Michou et Elsa et évoque une possible relation avec Florent Manaudou. Le ton est émotionnel et interrogatif, avec une succession rapide de questions qui visent à faire réagir le public. La vidéo a généré de nombreuses interactions.
source analysée 2
L’article de La Libre Belgique
Le second support est un article en ligne de La Libre Belgique, publié quelques jours plus tard. Il confirme la rupture du couple en s’appuyant sur une déclaration de Michou sur Instagram, tout en restant très prudent sur la rumeur d’une nouvelle relation avec Florent Manaudou. Le ton est plus neutre, et l’article rappelle qu’il s’agit d’éléments issus des réseaux sociaux.
Ressource pédagogique
« Critique de l’info : l’outil ultime » de Action Médias Jeunes
Pour mieux comprendre comment les modèles économiques influencent les choix éditoriaux des médias et les logiques de visibilité en ligne, nous vous conseillons de consulter le chapitre 3 du Dossier de l’enseignant·e. Il porte sur le « Format et l’économie des médias ».
Ressource complémentaire
On explique : Followers ou Harceleurs
Pour mieux comprendre les biais sexistes dans la médiatisation des ruptures amoureuses et pouvoir cadrer les discussions en classe sur ces enjeux.