L’objet à analyser
Retour sur les faits
En septembre 2023, la Belgique a connu une déferlante de fake news, d’injures, de manifestations et d’actes graves de vandalisme dans certaines écoles en Wallonie (rtl.be). Différentes craintes et paniques se cristallisent : l’EVRAS va enseigner aux enfants la masturbation, inciter les élèves à changer de sexe/genre et organiser une pédophilie avec la complicité de l’État… La lecture réactionnaire de ce décret amène une mobilisation, notamment sur les réseaux sociaux, qui brasse fake news et inquiétudes disproportionnées.
Face au phénomène de circulation de fausses informations, des médias vérifient (RTBF, Arte, APF, etc.) les affirmations qui circulent sur les groups hostiles au décret. Le décret EVRAS (la circulaire annonce la généralisation de l’EVRAS en milieu scolaire, sur lequel plusieurs acteurs travaillaient depuis 3 ans (leligueur.be)) devait être mis en vigueur dans les écoles dès le 7 septembre 2023. Par ailleurs, l’EVRAS est une pratique instaurée depuis au moins 2012 et ce dans la majorité des écoles, ce guide a pour but d’améliorer la cohérence des pratiques en Communauté française. À sa sortie, il s’accompagne d’un guide destiné aux formateurs, aux adultes qui allaient dispenser des ateliers de 2 heures sur l’année scolaire en 6e primaire et 4e secondaire (donc 4 heures obligatoires sur toute la scolarité du jeune), pour les guider dans les conversations avec les élèves. Ce guide n’est donc pas un programme scolaire obligatoire dans le parcours des enfants. Le guide reprend des éléments de conversation et de questions qui pourraient être amenées dans les échanges avec les jeunes. Basées sur une lecture très anxiogène de ce guide, les inquiétudes des parents, de certaines associations ont fait flamber la toile.
Idéologie, quand tu nous tiens
En quoi est-ce un cas de désinfo ?
Au-delà des rectifications des journalistes sur la factualité des éléments qui circulent (rectification des fake news), il parait pertinent ici de s’intéresser à la façon dont ces groupes ont organisé leur communication en réaction à ce décret dans le sens de leur idéologie. Ainsi, à travers tracts, lettres, crowdfunding, quelles propagandes sont mises en place pour rallier les parents à cette cause anti-EVRAS ? Comment, concrètement, fonctionne cette propagande ? Et comment la comprendre ? Nous focaliserons l’analyse sur les deux documents repris en annexe afin de cadrer précisément une dimension précise l’aspect « désinformation
» du sujet.

Déroulement
Activité pédagogique
Un premier contact avec la thématique permet au groupe classe de comprendre le sujet qui va être abordé. De ce fait, demandez aux élèves ce qu’ils savent de l’EVRAS, ce que ces mots signifient. À partir de cette définition et de ce cadre rappelez les faits qui se sont déroulés en septembre 2023 pour avoir des éléments de contexte. À partir de là, demandez aux élèves, selon eux, comment se passe la communication sur les réseaux ? Qui prend la parole et pour dire quoi ?
Par la suite, introduisez l’activité, davantage centrée sur l’analyse des médias, en expliquant que les documents (Annexes 1 et 2) présentés sont de vrais documents publiés sur les réseaux sociaux, mais aussi distribués dans les écoles, aux parents d’élèves, etc. La classe va analyser de façon critique comment ces messages (Anti-EVRAS) participent à un mouvement social d’opposition. Il s’agira donc de découvrir les techniques de propagande (les ficelles de mobilisation), car un travail de fact-checking a déjà été entrepris par les médias d’informations.
Demandez aux élèves d’analyser les messages des deux documents en annexe 1 et 2 (la lettre et l’affiche), ainsi que les pages auxquelles ces documents renvoient (pétition, sondage et résultats du sondage). Pour justifier, argumenter leur propos et pour prouver que ces messages sont de la propagande, ils peuvent se baser sur un petit rappel des caractéristiques (non exhaustives) de la propagande (voir page 4). Les élèves peuvent travailler par groupe sur l’affiche et la lettre.
Voici quelques questions pour guider l’analyse, groupe par groupe :
- À qui s’adresse cette lettre/affiche ?
- Le message est-il clair et précis ?
- Quel est le contexte de cette création ?
- Quel message veut-elle faire passer ?
- Y a-t-il un slogan ? (Pour l’affiche)
- Qui est l’auteur du document ?
- Qu’est ce qui est mis en avant ? (Texte, couleur, rapport à l’image…)
- Quelles sont les réactions des élèves ?
- Le document donne-t-il envie d’aller plus loin dans la démarche ? Sommes-nous convaincu·es ?
- Quels sont les sentiments qui émanent ?
Exemples d’attendus d’analyse concernant l’affiche
En plus de ces petites questions, vous trouverez en annexe 3 : un exemple d’analyse d’un discours de persuasion. Il s’agit des attendus pour cet exercice. L’annexe 3 présente les éléments du texte qui peuvent être mis en avant.
Quelques éléments de réponses pour l’analyse de l’affiche (annexe 2) :
L’affiche avance un propos finalement assez vague en pointant que « l’école va enseigner l’éducation sexuelle explicite dès la maternelle ». Il s’agit ici d’une présentation assez partielle et décontextualisée. En effet, à la lecture de cette affiche, le lecteur est plus sur un sentiment ou une impression qu’un élément factuel. Le problème ici est qu’il n’y a pas vraiment d’information précise mais plutôt une invitation à se positionner sur une affirmation (rapide) qui est difficilement soutenable (enseigner la sexualité explicite en maternelle). Par ailleurs la notion de « sexualité explicite » est assez vague pour que chacun y projette ce qu’il veut. Aussi, l’affiche valorise la pensée de l’individu, « votre voix compte », qui est mise en avant plus que le factuel. Le problème est la manière de poser le problème.
L’objectif est d’inviter le lecteur à compléter une enquête en partant de la dimension émotionnelle.
Quelques éléments de réponses pour analyser la lettre (annexe 3) :
1. Ils jouent sur le mot « programme » en faisant référence aux programmes scolaires utilisés pour chaque discipline. Cependant, ici comme expliqué précédemment ce document est destiné aux professionnel·les pour le guide dans les échanges avec les jeunes.
2. Ils insistent sur le côté sexuel, or EVRAS signifie bien « éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle ». Il ne s’agit donc que d’un aspect parmi d’autres.
3. Ils s’appuient sur des arguments d’autorité tels que des lois ou circulaires.
4. Ils répètent et insistent sur la même idée dans les deux paragraphes, mais formulée de façon différente.
5. Ils utilisent du vocabulaire pour jouer sur l’émotion, l’empathie, etc.
6. Ils emploient des mots percutants assez incisifs (« refus obligatoire »).
7. Ils insistent sur les différentes croyances idéologiques différentes dans chaque famille pour montrer qu’ils peuvent s’unir contre l’ennemi commun : l’EVRAS.
Pour réunir les éléments avancés par les élèves, utilisez la grille d’analyse suivante qui reprend les caractéristiques de la propagande. En fonction du niveau du groupe et de leur compréhension des messages, vous pouvez donner des éléments ci-dessous pour les faire avancer.
La propagande rassemble généralement plusieurs des caractéristiques suivantes :
- Elle joue sur l’apparence de l’information.
- Elle apparait sous plusieurs formes (utilise des techniques de sondage, appel à un comité « d’expert·es », etc.).
- Elle est authentifiée par une « autorité ».
- Elle est là pour influencer/convaincre quelqu’un.
- Elle permet de manipuler l’opinion publique par des mensonges ou de la désinformation.
- Elle joue sur les émotions (peur, colère, etc.) en utilisant des slogans, en jouant avec les mots.
- Elle diabolise « l’ennemi » ou les opposants.
- Elle unifie les foules contre un ennemi commun.
Enfin, vous pouvez généraliser les observations faites avec les élèves avec leurs expériences à eux. Voici quelques questions pour guider les échanges.
- Est-ce qu’ils ont déjà été témoins de ce genre de manipulation ? Si oui dans quel cadre ?
- Est-ce qu’à votre avis, cela fonctionne ?
- Oui/Non ? Pourquoi ?
- Qu’en est-il alors de la publicité ?
- Quels sont les points communs/qui diffèrent entre les deux documents ?
- Quels sont les liens entre ces deux documents ?
- Lequel est le plus convaincant/percutant ? Pourquoi ?
- Pourquoi cette question entretient-elle la polémique ? Pourquoi divise-t-elle la Belgique ?
- En partant de la campagne #stopFakeNewsEvras,comparer1 les messages de la campagne et le type de contenus que l’on peut retrouver dans les documents analysés. À qui s’adresse cette campagne, qui pourra y prêter attention ?
- Réaliser un quizz sur quelle est la propagande/quelle est la fake news ? (si les caractéristiques de la fake news ont été vues précédemment).
- Regarder les sources supplémentaires peut permettre de voir qu’une des caractéristiques de la propagande est mise en évidence. Par exemple, les reportages du JT de la RTBF où l’on voit que les manifestations rassemblent des groupes idéologistes extrémistes (d’habitude en désaccord) qui s’allient contre un ennemi commun, l’EVRAS. Ou encore des débats sur le plateau de LN24, avec des « experts de la protection de l’enfance » psychiatre/psy pour augmenter la crédibilité.
- En annexe 4, la publication du rappeur Rohff. Si vous désirez analyser un 3e type de document extrait des réseaux sociaux, voici en annexe 4 les publications sur X du rappeur français Rhoff, qui parleront peut-être plus aux jeunes.
Médiathèque
Supports pour l’activité
sources
Annexes
> Annexe 1 : Courrier type envoyé aux parents et directions par des associations anti- EVRAS
> Annexe 2 : Affiche et tract anti-EVRAS
> Annexe 3 : Analyse non exhaustive de la lettre
> Annexe 4 : Publications X (Twitter) du chanteur Rhoff
Afin de ne pas augmenter artificiellement l’audience des sites dont il est question dans cette fiche, nous en avons effectué une copie d’archive ci-dessous.
• Communiqué de Démocratie Participative, 22 sept. 2023
• Enquête de Démocratie Participative
• Premiers résultats de l’enquête
• Résultats envoyés de l’enquête






Debunking
EVRAS, le guide qui fait polémique en Belgique • IZI NEWS
Cette vidéo d’IZI NEWS explore les controverses entourant le guide EVRAS en Belgique, notamment les incendies d’écoles à Charleroi attribués au groupe « NO EVRAS ». Elle analyse les tensions suscitées par ce programme.
Ressources
« Les Fake News au prisme des théories sur les rumeurs et la propagande » par Florian Dauphin
Pour en savoir plus sur les différences entre Fake News, rumeurs et propagande.
Debunking
EVRAS, le guide qui fait polémique en Belgique • IZI NEWS
Cette vidéo d’IZI NEWS explore les controverses entourant le guide EVRAS en Belgique, notamment les incendies d’écoles à Charleroi attribués au groupe « NO EVRAS ». Elle analyse les tensions suscitées par ce programme.
Ressources
Tour de la polémique
L’article de la RTBF examine les critiques adressées au guide EVRAS, qui vise à promouvoir l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle en Belgique. Il analyse la véracité des affirmations circulant à son sujet et évalue si elles sont fondées ou relèvent de la désinformation.
Debunking
Relais de la presse internationale
L’article du Monde analyse la vague de désinformation entourant le programme belge d’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS). Il souligne que des rumeurs infondées ont conduit à des actes de vandalisme, notamment l’incendie de plusieurs écoles, en raison de malentendus sur le contenu réel du programme.
Les suites
Rohff entre dans la danse
Le rappeur Rohff a vivement critiqué le programme EVRAS, affirmant qu’il enseignerait aux enfants la masturbation dès 5 ans et la pornographie à 9 ans. Il a exhorté ses abonnés à signer une pétition contre ce qu’il considère comme une perversion imposée aux enfants sans le consentement des parents.
Pour en savoir plus sur l’EVRAS
Le site de référence sur l’EVRAS en FWB
Le site parent.evras.be est une plateforme dédiée aux parents et adultes de confiance souhaitant s’informer sur l’Éducation à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle (EVRAS) en Belgique. Il offre des ressources détaillées sur l’EVRAS à l’école, des outils pédagogiques, des contacts utiles et des campagnes médiatiques, visant à accompagner les enfants et adolescents dans leur développement affectif et sexuel.